A propos d'Alain Gaudebert

A voir, à lire, à propos d’Alain Gaudebert

« L’impossible portrait d’Alain Gaudebert » par Virgile Loyer, dans « Le Fil de l’Ocre », n°14 – novembre 2020

Portrait Alain Gaudebert
Alain Gaudebert, à l’atelier. Photo © Philippe Cibille

 

Au mitan des années septante, un étrange marin breton plantait sa rame sur les terres d’Ocre, laissant la mer déchaînée à sa place pour s’aventurer vers les zones non moins tumultueuses d’une argile mystérieuse. Le mataf en effet, ensorcelé par la terre, entrait en céramique. Peu enclin à la plaisance, il apprit à composer avec le feu et passa avec acharnement la ligne des hautes températures…

 Il faudrait, pour parler d’Alain Gaudebert et de son œuvre, filer plus encore cette métaphore de l’océan, convoquer aussi la danse, l’alpinisme ou la corrida… Il me le confiait lui-même, il y a quelques années : « Ça ne passe pas par les mots. Il n’y a que le poète qui peut mettre des mots sur une œuvre… Il n’y a que lui qui la respecte. (…) Si on met des mots tout de suite sur une œuvre, on la diminue, on la ratatine, on la détruit même…. Le feu, c’est ça mon écriture. Peut-être que le feu publie le texte… »

Si l’œuvre d’Alain échappe donc à la description, c’est parce qu’elle constitue elle-même une langue, une écriture. C’est sans doute ce qui l’a poussée à entrer en dialogue avec les poètes et les écrivains. Avec Jean-Clarence Lambert et Marcel Moreau, ils sont pléthore depuis des années à fréquenter l’atelier, à venir poser leurs mots dans l’argile, à les soumettre à l’épreuve du feu.

Inactuelle, cette céramique a à voir avec le jaillissement et les gestes premiers de l’humanité. Elle converse aussi bien avec les signes néolithiques qu’avec les grands maîtres du xxe siècle : Dalpayrat, Chaplet, Delaherche… Elle est originale, car elle est un retour constant aux origines ; le temps est aboli. Aussi Wladimir Weidlé aurait pu dire d’elle : « L’art est un acte, une parole, un feu vivant, une étincelle transmise d’homme à homme. L’œuvre que l’artiste porte en lui ne sera rien si elle n’est pas tout d’abord un puissant accumulateur d’énergie vitale. »